23 janvier 2021 : Le voyageur ailé
11ème jour à bord du Marion Dufresne. La houle défile harmonieusement dans un silence déconcertant. Dix-huit heures, alors que les derniers rayons de soleil percent au travers des nuages, les premiers danseurs entrent en scène : commence le ballet des pétrels à menton blanc. Leur silhouette d’un noir profond dévale à toute vitesse vers les creux puis remonte acrobatiquement vers la prochaine vague. Soudain, comme si le temps s’arrêtait, une nouvelle silhouette se dessine au loin. Ni la houle ni le Marion Dufresne ne sauraient perturber le passage de cette ombre majestueuse, plus grande, plus calme, plus inaccessible. Le voici enfin venu, le premier Albatros de la campagne SWINGS ! Cela ne va pas sans nous rappeler ce célèbre poème…
L’Albatros
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal