10 février 2021 : Apprendre à traire la rosette

7H00 la rosette est à 500m de profondeur. Les téléphone-réveils des cabines se mettent à sonner, le « quart-CTD », de leur plus douce voix, orchestre le mouvement des uns et le tempo des autres. C’est l’heure de la traite. Gants, bonnets, bottes, tuyaux, une légère crispation quand la rosette émerge après sa plongée. La bouteille Niskin 10 perd de l’eau. Évènement anodin peut-être pour vous, mais pour nous chaque litre est compté. L’eau est précieuse. Notre scribe matinale sort son crayon, consigne l’événement et se tourne vers nous, nuée de trayeurs. 

Chez OISO*, on le sait, nous sommes les premiers. C’est comme ça. Nous prélevons le plus noble des crus : les gaz dissous. Il ne faudrait pas qu’ils s’échappent. Par deux ou par trois, nous avons le privilège de l’ouverture des bouteilles. Dans l’ordre, l’oxygène dissous, que nous piégeons dans d’élégants flacons en verre. Et gare aux bulles, celles-ci fausseraient entièrement la mesure. La délicatesse est donc primordiale. C’est aussi le moment de la prise de température de prélèvement. Et là, tout dépend de l’endroit où vous commencez à prélever. Un conseil d’un frileux à un autre, commencez par la bouteille 24, elle contient les eaux de surface (elle ne sera pas proche de 0°C). Parce que oui, nos gants ne protègent que les échantillons…pas des engelures. 

Une fois l’oxygène piégé dans son précipité, nous tirons le DIC-Alk des Niskin, encore une fois avec le plus grand soin. Les bulles ne sont toujours pas les bienvenues. DIC (Carbone Inorganique Dissous) et Alk(Alcalinité), nous renseignent sur les teneurs en CO2 et le pH des océans. Aussi ici, le choix des bouteilles est tactique ; faire déborder ces flacons est nécessaire. Vous l’imaginerez alors, l’eau, pour le moins fraîche, trouve facilement le chemin entre nos gants et nos manches ou bien l’intérieur de nos bottes. 

A notre suite, s’enchaînent « notre ombre », qui récupère de l’eau partout juste après nous pour y mesurer la salinité, suivi des « nuts » (pour nutriments), de l’équipe des « Springbok » nos amis sud-africains puis les Radium et s’il reste de l’eau, le duo du barium-silicium ! 

Ce petit monde tourne autour des bouteilles comme tourne un carrousel. La scribe veille et rythme ce ballet. Un rayon chaud passe à travers la porte du local CTD, elle en profite pour le saisir entre deux éclats de voix. « Fini sur la 14 ! », « 1,2 sur la 3 », « Ammonium done on the twelve ».

Guillaume BARUT, IPSL, France – Trayeur en formation 😉

IPSL, France

*Ocean Indien Service d’Observation

Guillaume Barut prélève pour la mesure de l’oxygène dans un flacon dédié (élégant!). Pour éliminer les bulles d’air qui biaiseraient la mesure, il faut laisser déborder 3 fois le volume du flacon. L’eau (froide) coule donc sur le gant. On distingue aussi le thermomètre qui permet de mesurer la température dans le flacon, la solubilité du gaz étant très liée à cette température.
@Sibylle d’Orgéval


 Après ajout du complexant qui concentre l’oxygène de l’échantillon, Coraline Leseurre agite celui-ci environ une minute pour assurer la bonne homogénéité et le rendement de cette concentration…ce qui vaut le surnom de « manipe orangina » à cette opération.  @Sibylle d’Orgéval

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