25 janvier 2021 : Embrassez qui vous voudrez
Depuis dimanche 24, soit 10 jours après le départ, et sur ordre du Commandant, le masque est officiellement relégué sur l’ensemble de sa juridiction. Notre petit territoire de 120m sur 20m est ainsi déclaré libre de COVID-19, du pont A jusqu’au pont I.
Si on ne peut pas parler de liesse — les nouvelles préoccupantes du pays parvenant jusqu’ici – l’annonce d’un monde où l’épidémie n’existe plus, fut-il grand comme un timbre-poste, apporte une légèreté certaine qui se lit sur les visages démasqués. On éprouve cependant une certaine confusion à se savoir déconfiné au sein d’un périmètre confiné, lui-même situé au milieu d’une immense étendue. La confusion ne s’arrête pas là. On se surprend à ne pas reconnaître les gens croisés depuis 10 jours et pourtant devenus familiers. L’esprit, par aversion pour le vide, avait complété à sa manière les traits des visages, dans une sorte de cadavre exquis graphique, jeu inventé par les surréalistes consistant à prolonger un dessin à partir de deux traits dépassant du pliage masquant la contribution du précédent joueur. Le résultat une fois la feuille dépliée est généralement surprenant. Dans d’autres cas, on avait parfaitement deviné, au ton immuablement jovial des conversations, le large sourire que cachait le masque.
Les masques s’envolent aujourd’hui alors que nous franchissons le front subtropical, qui marque la frontière de l’Océan Austral et l’entrée dans les quarantièmes rugissants. Il est difficile de ne pas y voir un symbole.